dimanche 30 novembre 2014

Interview eMC


Entretien avec Masta Ace
et eMC
(7 novembre 2014)


de gauche à droite : Wordsworth, Stricklin et Masta Ace

  Le 7 novembre 2014, le groupe eMC était à Strasbourg pour un show qui a enflammé le public présent ce soir là au Molodoï. Auparavant on a posé quelques questions au crew new-yorkais composé de Wordsworth, Stricklin et du légendaire Masta Ace. (Punchline, 4ème membre du groupe, avait été écarté peu avant le début de la tournée européenne)
 On a retrouvé le groupe juste avant qu'il monte sur scène, celui-ci laissant planer une ambiance très décontractée avec notamment un Masta Ace faisant preuve d'un zen et d'une froideur qui allaient quelques minutes plus tard laisser place à une énergie et une implication remarquables. Le calme avant la tempête.


Topless : Comment se déroule la tournée jusqu’à présent ?

Masta Ace : Franchement bien. On a fait plein de pays, l’Angleterre, l’Allemagne, La Suisse … On nous attend en Pologne et en Suède. Que du positif pour l’instant.

Topless : Tu as dit dans une interview que la tournée que tu avais effectuée en Europe en 2000 avait été l’élément qui t’avais poussé à continuer ta carrière. Peux-tu nous expliquer ?

Masta Ace : Oui c'est vrai, lors de cette tournée en 2000, je me suis rendu compte que j’avais encore des fans qui s’intéressaient vraiment à ma musique. C’est ça qui m’a motivé à retourner en studio et qui m’a permis de réaliser Disposable Arts en 2001, qui est d’une certaine manière l’album qui a étendu ma carrière jusqu’à aujourd’hui. (Masta Ace n'avait plus sorti d'album depuis 1995)

Topless : Cette année on a pu t’entendre sur le morceau « Innovation », présent sur l’album Hip Hop after All du producteur français Guts. Comment s’est passée cette collaboration ?

Masta Ace : Ce qui se passe dans ce cas là c’est qu’un artiste ou un producteur essaie de me contacter soit par e-mail, soit me rencontre directement pendant une tournée. On s’occupe du coté business et après on m’envoie le beat par mail, je l’écoute, j’écris et j’enregistre chez moi avant de renvoyer tout ça au producteur. Et comme ça t’obtiens une track « internationale ».

pochette du premier album de eMC, The Show, sorti en 2008

Topless : Stricklin, tu viens de Milwaukee qui n’est pas vraiment une ville reconnue pour sa scène rap. On a vu une photo de toi ou tu arbores un t-shirt avec écrit « I’m from Milwaukee and that’s not funny ». Peux-tu expliquer ce manque de reconnaissance pour ta ville ?

Stricklin : En général quand tu dis que t’es de Milwaukee, les gens commencent à se marrer. Cette ville est plus connue pour des choses qui n’ont rien à voir comme le serial killer Jeffrey Dahmer ou la série Happy Days. Personne n’a jamais vraiment représenté correctement cette ville, c’est pourquoi les gens sont surpris quand je dis que je viens de là bas.

Topless : En parallèle à ta carrière de rappeur, tu es pompier et auxiliaire médical. Comment arrives tu à combiner ces deux activités ?

Stricklin : En fait c’est assez simple car mon emploi du temps est plutôt flexible. En tant que pompier je bosse 24 heures et ensuite j’ai 48 heures de libre. J’expliquais à un ami avant que je peux échanger mes heures avec des collègues, ce qui m’arrange bien. Donc honnêtement j’ai de la chance, c’est probablement le job idéal afin que je puisse me consacrer pleinement à la musique.



Topless : Wordsworth, ton premier album, Mirror Music, est sorti il y a 10 ans. Quelle est la différence entre le rappeur que tu étais à l’époque et celui d’aujourd’hui ?

Wordsworth : Il y a eu une évolution. Aujourd’hui je me soucis moins de ce que les gens disent ou pensent de mon travail. Lorsque j’ai enregistré mon premier album, c’était une découverte pour moi, et forcément tu es réceptif aux différents avis et opinions qui gravitent autour de ton premier projet. En vieillissant on y prête moins attention, et je me suis rendu compte que ça permet de se libérer musicalement.

Topless : Tu as eu la chance d’être sur le dernier morceau du dernier album de A Tribe Called Quest (« Rock Rock Y’all », 1998) ! Comment tu t’es retrouvé là ?

Wordsworth : Punchline et moi on était présent à un événement organisé par Q-Tip. Il nous a appelé le lendemain et voulait bosser avec nous. On a pas mal traîné avec eux vers cette époque et on a fini sur l’album. C’était une période ou Q-Tip voulait mettre de nouveaux artistes en avant.



 
Topless : Ace, tu étais sur l’album de R.A The Rugged Man intitulé Legends never Die. Ce n’est pas un secret, tu approches de la cinquantaine. Penses tu que le titre de cet album s’applique aussi à toi ?

Masta Ace : On fait ça parce qu’on croit et on espère que notre musique survivra le test du temps, mais ça dépend également beaucoup des jeunes générations. Peut être que dans 100 ans des gens qui n’auront aucune idée de qui je suis écouteront ma musique. Si c’est le cas, c’est que différentes générations auront continué à faire vivre mes sons, à transmettre cet héritage. C’est la marque que je laisserai sur cette terre.

Topless : Tu t’étais fait découvrir sur le morceau «The Symphony» de Marley Marl. Es-tu toujours en contact avec des membres du Juice Crew ?

Masta Ace : Les personnes avec qui je suis toujours en contact sont Graig G, Big Daddy Kane et Marley Marl. Les autres sont plus dur à joindre, ils changent constamment de numéro de portable, du coup je suis toujours content quand je peux les croiser à un événement. Cette année j’étais au Radio City Music Hall à New York avec Kane et j’ai vu Kool G Rap pour la première fois depuis pratiquement 17 ans ! On été tous ensemble sur scène : moi, Marley, Craig G, Kane, Kool G Rap, DJ Polo … C’était vraiment super (ce 25 janvier 2014, tous les participants du morceau « The Symphony » l’ont interprété pour la première fois depuis 1989). Mais oui il y a certains gars avec qui je n’avais pas parlé depuis un moment.

Topless : Vous avez sorti un EP cette année qui ressemble à un teaser pour un prochain projet. Que peut-on attendre du prochain album d’eMC ?

Masta Ace : Il y aura entre 10 et 12 tracks, très différentes de ce qu’on propose sur l’EP. L’album est presque fini, on doit encore faire des petits ajustements mais on approche du but. En tout cas on est assez satisfait de notre travail et on est tous impatient que le public puisse enfin l’écouter.

Topless : Pour finir, que penses tu de la scène rap actuelle à New York ?

Masta Ace : Mon inquiétude par rapport au rap new-yorkais et de Brooklyn en particulier, c’est le son. Le morceau le plus populaire du moment est celui de Bobby Shmurda, et pour moi ça n’a rien d’East Coast, c’est influencé par le sud. New York a en quelque sorte perdu son identité ses dix dernières années, beaucoup d’artistes du coin sonnent pareil. Mais il y a quelques lueurs d’espoir. Je croise les doigts pour que Brooklyn retrouve son lustre d’antan. On a besoin de retrouver un son new-yorkais, une marque, quelque chose qui nous définit. 


 Remerciement à eMC, leur manageuse et Pelpass.