mardi 5 août 2014

Reportage


Openair Frauenfeld 2014

Mud’N’Music

Par J-Rem






  Dimanche 13 juillet, camping de l’Openair Frauenfeld, 6 heures du matin. Le jour se lève et dévoile un tableau pour le moins chaotique. Des tentes renversées, des tonnelles terrassées, le niveau de l’eau presque à nos genoux par endroits, des chaises délabrées, un cadis qui flotte juste devant mes yeux … Serait-ce l’apocalypse ?



   L’Openair Frauenfeld commence bien avant qu’on y ait mis les pieds. J’avais bien sûr entendu parler de THE festival hip hop d’Europe, un événement qui rassemble chaque année plus de 150 000 personnes venues se délecter du spectacle proposé par les plus grands noms du rap ricain et européen pendant trois jours.
  La première ébauche de la programmation 2014 était tombée il y a quelques mois, et je ne peux pas dire que j’étais plus enthousiaste que ça : Macklemore & Ryan Lewis, Wiz Khalifa, Danny Brown, Immortal Technique, Youssoupha (oui je serai amené à parler un peu de rap français, une fois par an ça fait pas de mal) … ça m’en touche une sans faire bouger l’autre.

   Je faisais beaucoup moins le malin quand le reste des invités fût annoncé: Nas, Outkast, Pharrell, Schoolboy Q, Chance the Rapper, T.I, Joey Bada$$, Vic Mensa, Mobb Deep, IAM, Isaiah Rashad, Earl Sweatshirt, Angel Haze, Bootcamp Click, YG, A$AP Ferg, Iggy Azalea …

(Au final Earl Sweatshirt sera remplacé par Ab-Soul, Danny Brown par les Underachievers et T.I par K.I.Z)

OMFG !!!! Des stars (légendes même), pleins d’artistes « Topless Approved », des new comers et … Iggy Azalea (pas fancy). Topless se devait d’envoyer un de ses membres à cette orgie musicale, et lucky me, c’est bibi qui s’y colle.

   Forcément un événement d’un tel calibre, t’y penses déjà des jours avant. Tu checkes la météo suisse tous les jours, tu te demandes comment Andre 3000 sera sapé, t’essaies d’imaginer la dose d’alcool nécessaire pour tenir le coup, et tu mets ton Ipod en mode Frauenfeld.

   Pour ce gros trip hip hop, je suis accompagné d’un duo de choc : Diego AKA Dancing Machine et Hortense AKA l’Architecte. Départ de Strasbourg le jeudi 10 juillet vers 10 heures, la motivation est à son comble et tout est prêt : tente, bâche, sacs de couchage, glacière ... et bottes et K-Ways. Et oui malheureusement le temps ne sera pas avec nous, et on s’en rend compte dès notre arrivée sur le site. Ciel grisâtre, averse, sol boueux au possible, cette année ce sera Mud’N’Music !

   Bon fini l’intro, et cap sur le rap parce que c’est ce qui nous intéresse tout de même.



Day 1 : De Chicago à Atlanta, il n’y a qu’un pas (dans la boue)



   Dès l’instant où on sort les pieds de la voiture, on pouvait entendre Ab-Soul pendant son set. Je reconnais « Nevermind That » de loin, on est en train de se diriger vers l’entrée pour s’installer au camping pendant  qu’Ab-Soul continue sa performance. Un peu déçu de pas avoir pu apprécier les titres de son nouvel album « These Days » en live, mais bon on se consolera avec les deux autres membres de TDE que sont Schoolboy Q et Isaiah Rashad. On ratera aussi le Bootcamp Click et … Iggy Azalea qui ne s’est pas pointée pour une raison inconnue, perso c’est pas ça qui va gâcher mon week-end.
 
   Le temps de tout installer, préparer les sandwichs et la picole, on est enfin prêt à en découdre, et quoi de mieux pour commencer que l’une des révélations de 2013, j’ai nommé Chance The Rapper ! Le gamin de Chicago est venu bien entouré puisqu’il se présente avec un live band complet, « The Social Experiment ». Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça a envoyé grave ! On a droit à tous les gros titres de sa mixtape Acid Rap : "Juice", "Pusha Man", "Favorite Song", "Everybody’s something" et bien entendu un "Cocao Butter Kisses" dopé aux amphétamines avec une énergie de malade … qui ne sera pas vraiment rendue par le public. Quelques irréductibles fans se sont bien faits entendre au devant de la scène, mais l’ambiance générale était assez calme.
  Chance n’est pas (encore) une star, et surtout son style diffère beaucoup de tout ce qu’on sera amené à voir durant ces trois jours, ce qui à l’air de laisser le public un peu perplexe. Pourtant Chance sait faire le show, bouge dans tous les sens, et je pense même qu’il est peut être plus accessible en live du fait de sa voix plus grave qu’en studio, mais il faut croire que ce n’était pas suffisant … Personnellement cette performance m’a scotché, l’apport du live band amène définitivement un plus aux chansons de Chano qui d’après ce qu’on a vu est super à l’aise sur scène.
   En tout cas je reste catégorique : ce mec a un talent fou, et cette prestation live ne fait que me conforter dans cette idée. (j'aurai bien mis un extrait vidéo de Chance mais on m'entend chanter comme une groupie ... et je n'assume pas)



   Mais pas le temps de traîner, et on est pas les seuls à le comprendre puisque la foule commence déjà à se déplacer vers la grande scène de droite. En effet c’est tout simplement la star de l’année qui va se produire sous nos yeux dans quelques instants. Pharrell Williams est assurément l'artiste le plus "bankable" du moment. « Get Lucky », « Happy » sans oublier « Blurried Lines » , Pharrell a fait exploser les compteurs du Billboard ces deux dernières années. Mais les personnes présentes dans la foule ne s’y trompent pas, Skateboard P c’est aussi N.E.R.D et des tonnes de tubes rap dans les années 2000.
   C’est d’ailleurs au moment d’aborder ces chansons que le public va véritablement entrer en transe. Après un « Come get it Bae » plutôt mollasson, l’homme au chapeau enchaîne avec un medley ravageur : « Hot in Herre », « Pass the Courvoisier », « Drop it like it’s hot » … jusqu’au morceau qui va littéralement faire péter un plomb à tout le monde : « Lapdance ». Le public saute dans tous les sens, et on est qu’à la moitié du concert. Suivra bien évidemment « She wants to move » pour clôturer le chapitre N.E.R.D, et on se quitte avec « Happy », où Pharrell invite un gamin à danser sur scène avec toute sa troupe (à noter la performance des danseuses).
   C’est pas tellement que Pharrell soit une bête de scène, c’est surtout qu’il a un catalogue de malade (ou un super déhanché selon Hortense). Les hits se sont enchaînés pendant plus d’une heure et faut dire qu’on s’est pas ennuyé une seconde. Bien joué l’homme qui ne vieillit pas (for real). Voilà Pharrell c’est fait, et la soirée ne fait que commencer.



   M.I.A enchaîne sur la North Stage, mais nous verrons tout ça de loin, et on a une bonne raison : chopper des bonnes places pour LE show de la soirée, celui qu’on attend depuis des mois, car oui … Outkast est dans la place ! Pour profiter pleinement de ce moment, y a pas de secret faut se pointer à l’avance et attendre une bonne heure, mais le jeu en vaut la chandelle. On se retrouve juste devant les barrières qui longent la scène, un peu sur la droite, bref on est paré pour deux heures de gros tubes à la sauce ATLienne. Et ça commence fort avec « Bombs Over Bagdad », et tout de suite l’impression réconfortante que les deux protagonistes sont dans un bon soir, surtout Andre 3000. Three Stacks, perruque blanche et tenue noire arborant un « Sorry I forgot to call you back », fait le pitre sur scène, s’enroulant dans le câble de son micro, rappant 10 minutes de suite une valise à la main, ou s’amusant à faire chier le DJ dès qu’il en à l’occasion. (les deux chanteuses background le regarderont d’ailleurs plusieurs fois en mode « What the fuck ?! »)
   Pas de surprise dans la playlist, on retrouve tous les gros singles de la discographie du groupe, avec deux petites parties solos où Big Boi et Andre jouent leurs titres persos, avant de se retrouver pour finir le concert en beauté. On se rend compte aux réactions du public que les chansons les plus populaires du duo restent « Miss Jackson » (for eva, for eva eva …), « Hey Ya » (avec des filles du public invitées sur scène à shaker leur booty « like a polaroid picture ») ou encore « Roses »(avec une impro d’Andre assez loufoque). Pour ma part les morceaux qui m’ont achevés n’étaient autres que « SpottieOttieDopaliscious », « She lives in my Lap » et « So fresh so clean ».
   J’ai aussi particulièrement apprécié la présence de Sleepy Brown, toujours hyper classieux, l’énergie de Big Boi, très pro et super enthousiaste, et le je ne sais quoi d’Andre 3000. Franchement ce gars dégage un truc presque mystique assez dur à expliquer. Un personnage quoi, le genre de mec qui manque au rap … 
   Le groupe finira avec « The whole World », achevant ainsi un set sans surprises mais au combien puissant. Durant deux heures on aura eu droit à la crème de la crème du rap sudiste, 20 ans de carrière qui nous ont rappelé le statut légendaire du groupe.
  Bref ce concert d’Outkast était une pure réussite, et on se prend à rêver d’un éventuel retour dans les bacs pour le duo … Come on Andre !!!





   Voilà le premier soir s’achève, on repart des étoiles pleins les yeux, mais la nuit est encore longue à Frauenfeld, puisque lorsque les concerts se terminent, les différentes boites de nuit improvisées qui pullulent sur le festival poussent le son jusqu’à six heures du mat’ minimum. Autant dire qu’on dormira pas tout de suite …




Day 2 : De YG à IAM, il reste beaucoup de lettres (sorry)




   Vendredi 11 juillet. Dur réveil, pas encore vraiment remis de toutes les émotions d’hier soir (les concerts, et le souvenir en boite que Chingy avait existé), mais faut pas chômer car la musique repart de plus belle du coté des deux scènes (pour rappel durant les trois jours les concerts sont non stop de 12h à 2h du matin). On ratera d’ailleurs Vic Mensa, autre rappeur new generation de Chicago. Un rayon de soleil inattendu nous offrira un boost non négligeable, tout le camping clamant sa joie à l’unisson à la vue de ce temps qui devenait inespéré. Time to go.

   On commencera donc notre marathon rap journalier à 14h avec YG. Le rappeur californien arrive avec une réputation grandissante, notamment grâce à son album « My Krazy Life » rempli de tubes « ratchetisés » à la sauce DJ Mustard. Pour être franc c’est un album que j’écoutais de plus en plus ces derniers temps, et je dois avouer que j’étais assez impatient …
   Mon dieu … que ce fût mauvais. Diego me glisse à l’oreille que c’était digne d’un showcase de nightclub, et il a entièrement raison (c’était même peut être pire). Aucune volonté, le charisme d’une poutre, YG est backé par lui même puisqu’il ne s’est même pas donné la peine de retirer ses lyrics des instrus … Franchement un calvaire. J’attendais tout de même « Do it to ya » avec son sample énorme repris à the Dogg Pound … mais ça n'arrivera pas, bref zéro pointé. D’ailleurs dès le départ un détail ne jouait pas du tout en sa faveur : on se demandait si c’était vraiment YG sur scène. Le mec dégageait rien, j’espère pour lui que c’était juste pas son jour car sinon le bouche à oreille pourrait lui faire du tort. Clairement le plus mauvais concert du festival.

   On enchaîne avec Angel Haze. Je dois l’avouer, c’était vraiment pas le concert que j’attendais le plus, mais force est de reconnaître que la jeune MC de Brooklyn a vraiment mis du sien dans son set. Après une intro pour le moins foireuse de son DJ (qui passe de la techno à Luniz), Haze va véritablement démontrer tout son potentiel en live. Son album « Dirty Gold » ne m’avait pas emballé, mais une fois sur scène, la donne change. Son énergie communicative couplée à sa maitrise du mic va mettre tout le public dans sa poche, notamment avec « A Tribe called Red » un des highlights de sa performance. Ajoutez à cela son excursion dans la foule de Frauenfeld et vous obtenez un très bon concert qui m’a persuadé de prêter plus d’attention à la carrière de la talentueuse rappeuse.



   On suivra ensuite de loin A$AP Ferg, un artiste que personnellement je n’arrive pas encore trop à cerner. Prestation qu’on qualifiera de solide tout au mieux, pas mal de titres de son album « Trap Lord » dont vous l’aurez deviné l’inévitable « Shabba » (son qui tournait sans arrêt aux alentours du festival). Une petite reprise de « Move that Dope » de Future plus tard, Ferg à la bonne idée d’inviter un special guest à le rejoindre sur scène. Mais de qui s’agit t’il ? le suspense est à son … Oh non, oh il a déconné. YG ? Are you fucking serious ? Bon bah merci de remuer le couteau dans la plaie, nous du coup on se barre ASAP. 
  
   Une petite pause, sieste même, et c’est reparti. On débarque pendant le set de Wiz Khalifa, un des artistes qui je dois dire me branchait le moins sur le week-end. J’ai jamais vraiment accroché avec sa musique trop proche de la pop à mon goût. Wiz se la joue rockstar sur scène, toutes les tracks les plus populaires de sa disco sont à l’honneur : « Black and Yellow », « PaperBond », «Work hard, Play hard » … Le public a l’air satisfait, c’est bien le plus important. Peu de choses à dire sur ce concert en fait, Wiz a fait son truc, ni plus ni moins. Next up, Macklemore.



   22h, South Stage, Macklemore & Ryan Lewis arrivent sur scène et la réception du public est plus que chaleureuse. Live band au rendez vous, ça swing direct, et je suis surpris d’entendre « Thrift Shop » aussi tôt dans le concert. Comme vous pouvez l’imaginer c’est le délire dans le public, et je suis vite contaminé. « Can’t Hold Us » suivra, et bien que je ne sois pas le plus grand fan de Macklemore je dois avouer que dans ce contexte festivalier, ça passe assez bien. Le rappeur de Seattle prend alors une pause pour nous expliquer que tout va très vite dans la vie : il était déjà présent à l’édition 2012 de Frauenfeld, sauf qu’à l’époque il jouait en début d’après midi devant un public largement réduit. Des milliers d’albums vendus et quelques Grammys plus tard (ahem), il revient en tête d’affiche cette année. Good for you buddy. Durant son set, il aura même le temps de se déguiser en femme, et on aura bien évidemment droit à « Same Love ».

   Voilà pour les sets rap US de la journée. Comme je le disais en début d’article, je suis obligé de glisser quelques mots sur Youssoupha et IAM, qui pour moi ont été les deux points culminants de la journée.
   Tout d’abord Youssoupha, qui se produisait à 16h. Un artiste qui ne m’est pas vraiment familier, je devais connaître 2-3 sons au max (dont le superbe « Les Disques de mon Père »), et bien ça ne m’a pas empêché de savourer cette performance comme il se doit. Le « lyriciste bantu » comme il aime s’appeler a livré un show tout simplement excellent, rythmé, et surtout n'a pas lésiné sur le jeu artiste/public. Youssoupha est proche de la foule (il finira dedans d’ailleurs), blague sans arrêt et diffuse sa bonne humeur de manière contagieuse. Sous un soleil de plomb (Allelujah), Youss nous a fait bouger dans tous les sens pour une Rhumba session carrément démente. Une très bonne surprise.



   Pour ce qui est d’IAM, je dois dire que c’était un instant assez magique. Depuis le temps que je voulais les voir … Dernier concert de la journée vers minuit, la pluie s’intensifie, mais rien que de voir Kheops préparer ses platines m’immunise de toute aigreur. Dans le peu de rap français que j’écoute, IAM a toujours eu une place particulière. L’Ecole du Micro d’Argent est un tel monument ... Cet album a tourné quand j'étais plus jeune, et je ne suis pas le seul dans le public, alors pouvoir être aux premières loges pour « La Saga », « Le Coté obscur » ou encore une version hyper allongée de « Demain c ‘est loin » … Le pied intégral. Assez bizarrement, le groupe s'exprime en anglais entre les chansons, ne sachant pas trop à quel public il s'adresse au départ, mais après 20 minutes il était clair que le devant de la foule était peuplé de frenchies. Gros concert. Et puis Shurik’n quoi, ce mec est incroyable. Comment ne pas péter un plomb quand on entend les premières notes de « Samuraï » ? Pour la faire courte, la pluie incessante et de plus en plus violente n’aura pas eu raison de notre joie de voir les papis marseillais se faire plaisir comme des gamins sur scène.


   Conquis et lessivés, c’est comme ça que s’achève cette deuxième journée frauenfeldienne. On fera pas trop les fous ce soir, car demain le début de journée s’annonce pour le moins excitant.


Day 3 : Fuck the Rain !




   Dernier jour de l’Openair Frauenfeld, et programme de fou furieux !

   On commence dès midi avec Isaiah Rashad, le nouveau prodige du label TDE. Forcément vu l’heure on est peu nombreux, mais après les concerts « sold out » d’hier soir c’est pas plus mal. Casquette sur la tête et langage corporel un poil désinvolte, Isaiah se lâche au fil des tracks. Sa mixtape « Cilvia Demo » est bien sûr à l’honneur, et certains titres prennent tout leur sens dans ce contexte live, comme « R.I.P. Kevin Miller » et son refrain envoûtant, je dirai même hypnotisant. Le peu de public présent partage la philosophie du jeune MC : « You live for bitches and blunts, we live for weed and money ! ». Preuve supplémentaire de la reconnaissance des spectateurs, c’est eux qui assureront le ravitaillement d’Isaiah en hydroponique par deux fois durant le concert. A part ça « Soliloquy » gagne la palme du morceau le plus populaire, et je fus un poil déçu par « Heavenly Father », mais ça n’entachera en rien la performance. Au final, on se dit qu’on a bien fait de se lever tôt, le rappeur originaire du Tennessee nous a gratifié d’un bon show, même si j’ai été furtivement distrait par des jeunes filles tatouées de partout, avec des bandanas rouges portés à la manière des Bloods, posant en photo tout près de nous. J’espère pour la suite qu’elles savent que Schoolboy Q est un ancien Crips …

   Pas le temps de chômer, un autre youngster du rap game US s’apprête à prendre le relais. Joey Bada$$ is in da place ! La foule est déjà plus conséquente, et aux platines on retrouve Statik Selektah qui nous ambiance bien le temps de la transition. Joey B. débarque sur l’intro de sa dernière mixtape, Hortense est euphorique, et on se dit que ça va donner. Contrat rempli. Le jeune rappeur de Flatbush a l’air rodé et jongle constamment entre « 1999 » et « Summer Knights » : je pête un plomb sur «Sweet Dreams », tout le monde est chaud pour « 95 Til’ Infinity ». Il est rapidement rejoint par un autre membre de Pro Era, Kirk Knight. Après un hommage à Capital Steez (R.I.P.), on se remet dans le bain avec un petit passage de « Hip Hop Hooray » de Naughty by Nature, qui a totalement sa place ici tant le show sent bon les nineties. En regardant autour de soi, on remarque aussi que Pro Era s’exporte bien, puisque qu’on observera pas mal de produits dérivés du collectif new yorkais dans le public. Coté musique on aura aussi droit à une exclu de l’album « B.4.DA.$$ » et pour finir en beauté on savoure un petit « Survival Tactics » qui ne fait également pas de mal : « Fuck the Police » scande Joey, repris en chœur par la foule. On ne doutait pas du talent de MC de la sensation new yorkaise, maintenant on sait aussi qu’il maîtrise la scène. Il est 14h, le soleil pointe le bout de son nez, et le niveau est en train de monter crescendo sur scène.

   Pas de Underachievers pour nous (si seulement les Flatbush Zombies avaient pu remplacer Danny Brown …), on privilégie une bonne place pour le show suivant. Il est 16h, et le « Man of the Year » himself, ScHoolboy Q, se prépare et laisse à son DJ le soin de faire monter la température. Un Harlem Shake plus tard (sérieux ?), Q débarque enfin pour ce qui sera un des grands moments du festival à mes yeux. Avec sa cagoule orange et son légendaire bob sur la tête, il va nous livrer plus d’une heure de show, passant en revue tous ses titres phares : « There he go », « Yay Yay », « Collard Greens », « Hands on the Wheel », « Studio » … Deux albums seulement mais déjà tellement de tubes ! Coté ambiance la foule est en symbiose totale avec l’artiste : ScHoolboy Q est vraiment au taquet, motive la foule, fait preuve de pas mal d’humour et surtout n’a jamais baissé en intensité tout le long du show. Voilà un artiste qui sait comment garder son public réveillé, et qui a compris comment gérer son set parfaitement. Il finira avec « Break the Bank », tout le public reprenant une dernière fois en chœur le refrain. Schoolboy a bien fait le boulot, et c’est connu après l’effort le réconfort, il se fera donc un petit plaisir en invitant deux groupies à le rejoindre en loge. Respect.


   Si le début de journée était placé sous le signe de la jeunesse dorée du rap US, il est temps à présent de rendre hommage à la vieille garde.

   Immortal Technique prend le mic à 17h sur la North Stage. On suivra ça de loin (l’appel du poulet), mais on sera tout de même témoin des longues (interminables ?) tirades du MC péruvien. Car oui c’est un fait, Felipe de son vrai nom est connu pour ne pas avoir sa langue dans sa poche, il suffit d’écouter sa musique pour s’en rendre compte. Là il se lance dans un dézingage en règle de la presse féminine, déplorant l’influence que celle-ci peut avoir sur les jeunes filles, notamment la sienne. D’autres speechs virulents interviendront régulièrement entre les morceaux, avec des messages « anti-industrie » qui vont de paire avec son style de rap. Personnellement j’aime bien ce coté ronchon et « jamais content » du personnage, par contre ceux qui attendent Kid Ink doivent être un peu paumés …

   Si le soleil avait jusque là repris ses droits, tout allait changer au moment de se rendre au set de Mobb Deep. La foule est juste immense à ce moment là, on est compacté sur place, pas moyen de bouger un orteil. Havoc et Prodigy déboulent et le public devient fou. On commence cash avec « Survival of the Fittest », et là c’est le drame : une pluie diluvienne s’abat sur nous, et ce qu’on ne savait pas à ce moment là, c’est que ça allait durer jusqu’au lendemain matin. Les spectateurs les moins couverts se sauvent en courant, et l’heure du choix a sonné : soit on en profite pour se rapprocher de la scène, soit on file vers la South Stage pour choper un bon spot pour Nas. J’aime bien Mobb Deep, mais voilà Nas quoi… mes amis et deux italiens rencontrés auparavant seront ok avec la deuxième solution, on écoutera "Shook Ones" de loin …

   Le déluge ne s’arrête pas, je sens l’eau rentrer dans mes bottes, et on commence à s’impatienter. L'attente est longue, Diego et son pote italien balancent des "Fuck the rain" à tue-tête. Heureusement on est bien placé, assis sur les barrières un peu plus loin de la scène, du coup on surplombe tout le monde, s’offrant une vue impeccable pour le show. DJ Green Lantern lance l’intro d’Illmatic et Nasir Jones arrive sur les premières notes de « NY State of Mind » (ou plutôt Switzerland state of mind comme il le dit). La foule devient dingue. Pas de doute, on fête bien les 20 ans d’Illmatic. Nas va tout simplement reprendre son album culte dans son intégralité et dans l’ordre d’origine. Pas de temps mort, on enchaîne tous les classiques, avec un petit hommage à Michael Jackson au moment de « It ain’t hard to tell ». Y a pas à dire, Illmatic en live, c’est quand même un kiffe ultime. Nas déroule ensuite son répertoire, je pète mon plomb habituel sur « Made you look » et « Get Down », suivront « Hate me now », « Got yourself a gun » ou encore l’inévitable « One Mic ».
   Un show carré au final, Nas a fait le taff sans en rajouter ( il a aussi bien fait attention de pas trop s’exposer hors de la scène pour éviter les trombes d'eau ). Pour l’avoir déjà vu à Paris il y a un an, j’étais forcément un peu moins hystérique, mais voir une telle légende en live reste un plaisir immense, surtout quand on est posé comme au cinéma.
   

   Bref, le festival se termine en beauté, nous on court immédiatement s’abriter sous un chapiteau. La dernière nuit sera longue, Diego peut réellement danser jusqu’à pas d’heure, ou plutôt si, jusqu’à 6h du mat’ en l’occurrence. "The party don't stop" comme on dit.
   La pluie s’est enfin arrêtée, et en rentrant sur le camping, on assiste à un désastre comme j’en avais rarement vu. C’était plus un camping, c’était Bagdad.(d'après ce que j'ai compris les conditions météo n'avaient jamais été aussi catastrophique que cette année)





   Voilà, l’Openair Frauenfeld c'est fini, et il est indéniable que ce festival représente une étape obligée pour tout fan de hip hop qui se respecte. Frauenfeld, c'était Noël avant l'heure. Le temps aura été tout pourri mais la qualité globale des concerts a complètement effacé ce paramètre.
   Pour ce qui est de l'ambiance générale, c'était plutôt bon enfant. Bien sûr on a croisé quelques "spécimens", et certains avaient l'air un peu paumé (le genre de gars qui te met de la techno à fond la caisse au camping), mais globalement l'amour de la musique est un élément fédérateur (c'est beau je sais).
   Sinon on aura aussi vu :
-         de la boue
-         beaucoup de GoPros
-         des pétards plus gros les uns que les autres (les suisses déconnent pas)
-         de la boue
-         de la pluie
-         une tente proposant des « free hugs »
-         des prix déraisonnables
-         des gros alcoolos ! « quoi ya des concerts ici ? »
-         un enfant avec sa mère (dans ce contexte de débauche c’était marrant)
-         des personnes se souciant plus de leurs selfies que des concerts
-         de la boue


    Pour terminer, une chose est garantie : I'll be back next year !
 Merci à Diego, Hortense et Luis pour les photos.