Openair
Frauenfeld 2014
Mud’N’Music
Par J-Rem
Dimanche 13
juillet, camping de l’Openair Frauenfeld, 6 heures du matin. Le jour se lève et
dévoile un tableau pour le moins chaotique. Des tentes renversées, des
tonnelles terrassées, le niveau de l’eau presque à nos genoux par endroits, des chaises
délabrées, un cadis qui flotte juste devant mes yeux … Serait-ce
l’apocalypse ?
L’Openair
Frauenfeld commence bien avant qu’on y ait mis les pieds. J’avais bien sûr
entendu parler de THE festival hip hop d’Europe, un événement qui rassemble
chaque année plus de 150 000 personnes venues se délecter du spectacle proposé
par les plus grands noms du rap ricain et européen pendant trois jours.
La première ébauche
de la programmation 2014 était tombée il y a quelques mois, et je ne peux pas
dire que j’étais plus enthousiaste que ça : Macklemore & Ryan Lewis,
Wiz Khalifa, Danny Brown, Immortal Technique, Youssoupha (oui je serai amené à
parler un peu de rap français, une fois par an ça fait pas de mal) … ça m’en
touche une sans faire bouger l’autre.
Je faisais
beaucoup moins le malin quand le reste des invités fût annoncé: Nas, Outkast,
Pharrell, Schoolboy Q, Chance the Rapper, T.I, Joey Bada$$, Vic Mensa, Mobb
Deep, IAM, Isaiah Rashad, Earl Sweatshirt, Angel Haze, Bootcamp Click, YG, A$AP
Ferg, Iggy Azalea …
(Au final Earl Sweatshirt sera remplacé par Ab-Soul, Danny
Brown par les Underachievers et T.I par K.I.Z)
OMFG !!!! Des stars (légendes même), pleins d’artistes
« Topless Approved », des new comers et … Iggy Azalea (pas fancy).
Topless se devait d’envoyer un de ses membres à cette orgie musicale, et lucky
me, c’est bibi qui s’y colle.
Forcément un
événement d’un tel calibre, t’y penses déjà des jours avant. Tu checkes la
météo suisse tous les jours, tu te demandes comment Andre 3000 sera sapé,
t’essaies d’imaginer la dose d’alcool nécessaire pour tenir le coup, et tu mets
ton Ipod en mode Frauenfeld.
Pour ce gros trip
hip hop, je suis accompagné d’un duo de choc : Diego AKA Dancing Machine
et Hortense AKA l’Architecte. Départ de Strasbourg le jeudi 10 juillet vers 10
heures, la motivation est à son comble et tout est prêt : tente, bâche,
sacs de couchage, glacière ... et bottes et K-Ways. Et oui malheureusement
le temps ne sera pas avec nous, et on s’en rend compte dès notre arrivée sur le
site. Ciel grisâtre, averse, sol boueux au possible, cette année ce sera
Mud’N’Music !
Bon fini l’intro,
et cap sur le rap parce que c’est ce qui nous intéresse tout de même.
Day 1 : De
Chicago à Atlanta, il n’y a qu’un pas (dans la boue)
Dès l’instant où
on sort les pieds de la voiture, on pouvait entendre Ab-Soul pendant son set.
Je reconnais « Nevermind That » de loin, on est en train de se diriger vers
l’entrée pour s’installer au camping pendant
qu’Ab-Soul continue sa performance. Un peu déçu de pas avoir pu
apprécier les titres de son nouvel album « These Days » en live, mais
bon on se consolera avec les deux autres membres de TDE que sont Schoolboy Q et
Isaiah Rashad. On ratera aussi le Bootcamp Click et … Iggy Azalea qui ne s’est
pas pointée pour une raison inconnue, perso c’est pas ça qui va gâcher mon
week-end.
Le temps de tout
installer, préparer les sandwichs et la picole, on est enfin prêt à en
découdre, et quoi de mieux pour commencer que l’une des révélations de 2013,
j’ai nommé Chance The Rapper ! Le gamin de Chicago est venu bien entouré
puisqu’il se présente avec un live band complet, « The Social
Experiment ». Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça a envoyé
grave ! On a droit à tous les gros titres de sa mixtape Acid
Rap : "Juice", "Pusha Man", "Favorite Song", "Everybody’s something" et
bien entendu un "Cocao Butter Kisses" dopé aux amphétamines avec une énergie de
malade … qui ne sera pas vraiment rendue par le public. Quelques irréductibles
fans se sont bien faits entendre au devant de la scène, mais l’ambiance générale
était assez calme.
Chance n’est pas
(encore) une star, et surtout son style diffère beaucoup de tout ce qu’on sera
amené à voir durant ces trois jours, ce qui à l’air de laisser le public un peu
perplexe. Pourtant Chance sait faire le show, bouge dans tous les sens, et je
pense même qu’il est peut être plus accessible en live du fait de sa voix plus
grave qu’en studio, mais il faut croire que ce n’était pas suffisant … Personnellement
cette performance m’a scotché, l’apport du live band amène définitivement un
plus aux chansons de Chano qui d’après ce qu’on a vu est super à l’aise sur
scène.
En tout cas je
reste catégorique : ce mec a un talent fou, et cette prestation live ne
fait que me conforter dans cette idée. (j'aurai bien mis un extrait vidéo de Chance mais on m'entend chanter comme une groupie ... et je n'assume pas)
Mais pas le temps
de traîner, et on est pas les seuls à le comprendre puisque la foule commence
déjà à se déplacer vers la grande scène de droite. En effet c’est tout
simplement la star de l’année qui va se produire sous nos yeux dans quelques
instants. Pharrell Williams est assurément l'artiste le plus "bankable" du moment. « Get Lucky », « Happy » sans oublier
« Blurried Lines » , Pharrell a fait exploser les compteurs du
Billboard ces deux dernières années. Mais les personnes présentes dans la foule
ne s’y trompent pas, Skateboard P c’est aussi N.E.R.D et des tonnes de tubes
rap dans les années 2000.
C’est d’ailleurs
au moment d’aborder ces chansons que le public va véritablement entrer en transe.
Après un « Come get it Bae » plutôt mollasson, l’homme au chapeau
enchaîne avec un medley ravageur : « Hot in Herre », « Pass
the Courvoisier », « Drop it like it’s hot » … jusqu’au morceau
qui va littéralement faire péter un plomb à tout le monde :
« Lapdance ». Le public saute dans tous les sens, et on est qu’à la
moitié du concert. Suivra bien évidemment « She wants to move » pour
clôturer le chapitre N.E.R.D, et on se quitte avec « Happy », où
Pharrell invite un gamin à danser sur scène avec toute sa troupe (à noter la
performance des danseuses).
C’est pas
tellement que Pharrell soit une bête de scène, c’est surtout qu’il a un
catalogue de malade (ou un super déhanché selon Hortense). Les hits se sont
enchaînés pendant plus d’une heure et faut dire qu’on s’est pas ennuyé une
seconde. Bien joué l’homme qui ne vieillit pas (for real). Voilà Pharrell c’est
fait, et la soirée ne fait que commencer.
M.I.A enchaîne sur
la North Stage, mais nous verrons tout ça de loin, et on a une bonne
raison : chopper des bonnes places pour LE show de la soirée, celui qu’on
attend depuis des mois, car oui … Outkast est dans la place ! Pour
profiter pleinement de ce moment, y a pas de secret faut se pointer à l’avance
et attendre une bonne heure, mais le jeu en vaut la chandelle. On se retrouve
juste devant les barrières qui longent la scène, un peu sur la droite, bref on
est paré pour deux heures de gros tubes à la sauce ATLienne. Et ça commence
fort avec « Bombs Over Bagdad », et tout de suite l’impression réconfortante
que les deux protagonistes sont dans un bon soir, surtout Andre 3000. Three
Stacks, perruque blanche et tenue noire arborant un « Sorry I forgot to
call you back », fait le pitre sur scène, s’enroulant dans le câble de son
micro, rappant 10 minutes de suite une valise à la main, ou s’amusant à faire
chier le DJ dès qu’il en à l’occasion. (les deux chanteuses background le
regarderont d’ailleurs plusieurs fois en mode « What the
fuck ?! »)
Pas de surprise
dans la playlist, on retrouve tous les gros singles de la discographie du
groupe, avec deux petites parties solos où Big Boi et Andre jouent leurs titres
persos, avant de se retrouver pour finir le concert en beauté. On se rend
compte aux réactions du public que les chansons les plus populaires du duo
restent « Miss Jackson » (for eva, for eva eva …), « Hey
Ya » (avec des filles du public invitées sur scène à shaker leur booty
« like a polaroid picture ») ou encore « Roses »(avec une
impro d’Andre assez loufoque). Pour ma part les morceaux qui m’ont achevés
n’étaient autres que « SpottieOttieDopaliscious », « She lives
in my Lap » et « So fresh so clean ».
J’ai
aussi particulièrement apprécié la présence de Sleepy Brown, toujours hyper
classieux, l’énergie de Big Boi, très pro et super enthousiaste, et le je ne
sais quoi d’Andre 3000. Franchement ce gars dégage un truc presque mystique
assez dur à expliquer. Un personnage quoi, le genre de mec qui manque au rap …
Le groupe finira avec « The whole World », achevant ainsi un set sans
surprises mais au combien puissant. Durant deux heures on aura eu droit à la
crème de la crème du rap sudiste, 20 ans de carrière qui nous ont rappelé le
statut légendaire du groupe.
Bref ce concert
d’Outkast était une pure réussite, et on se prend à rêver d’un éventuel retour dans les bacs pour le duo … Come on
Andre !!!
Voilà le premier
soir s’achève, on repart des étoiles pleins les yeux, mais la nuit est encore
longue à Frauenfeld, puisque lorsque les concerts se terminent, les différentes
boites de nuit improvisées qui pullulent sur le festival poussent le son
jusqu’à six heures du mat’ minimum. Autant dire qu’on dormira pas tout de suite
…
Day 2 : De YG
à IAM, il reste beaucoup de lettres (sorry)
Vendredi 11
juillet. Dur réveil, pas encore vraiment remis de toutes les émotions d’hier
soir (les concerts, et le souvenir en boite que Chingy avait existé), mais faut
pas chômer car la musique repart de plus belle du coté des deux scènes (pour rappel
durant les trois jours les concerts sont non stop de 12h à 2h du matin). On
ratera d’ailleurs Vic Mensa, autre rappeur new generation de Chicago. Un rayon
de soleil inattendu nous offrira un boost non négligeable, tout le camping clamant sa
joie à l’unisson à la vue de ce temps qui devenait inespéré. Time to go.
On commencera donc notre marathon rap
journalier à 14h avec YG. Le rappeur californien arrive avec une réputation
grandissante, notamment grâce à son album « My Krazy Life » rempli de
tubes « ratchetisés » à la sauce DJ Mustard. Pour être franc c’est un
album que j’écoutais de plus en plus ces derniers temps, et je dois avouer que
j’étais assez impatient …
Mon dieu … que ce
fût mauvais. Diego me glisse à l’oreille que c’était digne d’un showcase de
nightclub, et il a entièrement raison (c’était même peut être pire). Aucune
volonté, le charisme d’une poutre, YG est backé par lui même puisqu’il ne s’est
même pas donné la peine de retirer ses lyrics des instrus … Franchement un
calvaire. J’attendais tout de même « Do it to ya » avec son sample énorme repris à the Dogg Pound … mais ça n'arrivera pas, bref zéro pointé.
D’ailleurs dès le départ un détail ne jouait pas du tout en sa faveur : on
se demandait si c’était vraiment YG sur scène. Le mec dégageait rien, j’espère
pour lui que c’était juste pas son jour car sinon le bouche à oreille pourrait lui faire du tort. Clairement le plus mauvais concert du festival.
On enchaîne avec
Angel Haze. Je dois l’avouer, c’était vraiment pas le concert que j’attendais
le plus, mais force est de reconnaître que la jeune MC de Brooklyn a vraiment
mis du sien dans son set. Après une intro pour le moins foireuse de son DJ (qui
passe de la techno à Luniz), Haze va véritablement démontrer tout son potentiel
en live. Son album « Dirty Gold » ne m’avait pas emballé, mais une
fois sur scène, la donne change. Son énergie communicative couplée à sa
maitrise du mic va mettre tout le public dans sa poche, notamment avec « A
Tribe called Red » un des highlights de sa performance. Ajoutez à cela son
excursion dans la foule de Frauenfeld et vous obtenez un très bon concert qui
m’a persuadé de prêter plus d’attention à la carrière de la talentueuse
rappeuse.
On suivra ensuite
de loin A$AP Ferg, un artiste que personnellement je n’arrive pas encore trop à
cerner. Prestation qu’on qualifiera de solide tout au mieux, pas mal de titres
de son album « Trap Lord » dont vous l’aurez deviné l’inévitable
« Shabba » (son qui tournait sans arrêt aux alentours du festival).
Une petite reprise de « Move that Dope » de Future plus tard, Ferg à
la bonne idée d’inviter un special guest à le rejoindre sur scène. Mais de qui
s’agit t’il ? le suspense est à son … Oh non, oh il a déconné. YG ? Are you fucking
serious ? Bon bah merci de remuer le couteau dans la plaie, nous du
coup on se barre ASAP.
Une petite pause,
sieste même, et c’est reparti. On débarque pendant le set de Wiz Khalifa, un
des artistes qui je dois dire me branchait le moins sur le week-end. J’ai
jamais vraiment accroché avec sa musique trop proche de la pop à mon goût. Wiz
se la joue rockstar sur scène, toutes les tracks les plus populaires de sa
disco sont à l’honneur : « Black and Yellow »,
« PaperBond », «Work hard, Play hard » … Le public a l’air
satisfait, c’est bien le plus important. Peu de choses à dire sur ce concert en
fait, Wiz a fait son truc, ni plus ni moins. Next up, Macklemore.
22h, South Stage,
Macklemore & Ryan Lewis arrivent sur scène et la réception du public est
plus que chaleureuse. Live band au rendez vous, ça swing direct, et je suis
surpris d’entendre « Thrift Shop » aussi tôt dans le concert. Comme
vous pouvez l’imaginer c’est le délire dans le public, et je suis vite
contaminé. « Can’t Hold Us » suivra, et bien que je ne sois pas le
plus grand fan de Macklemore je dois avouer que dans ce contexte festivalier,
ça passe assez bien. Le rappeur de Seattle prend alors une pause pour nous
expliquer que tout va très vite dans la vie : il était déjà présent à
l’édition 2012 de Frauenfeld, sauf qu’à l’époque il jouait en début d’après
midi devant un public largement réduit. Des milliers d’albums vendus et
quelques Grammys plus tard (ahem), il revient en tête d’affiche cette année. Good for you buddy. Durant
son set, il aura même le temps de se déguiser en femme, et on aura bien
évidemment droit à « Same Love ».
Voilà pour les
sets rap US de la journée. Comme je le disais en début d’article, je suis
obligé de glisser quelques mots sur Youssoupha et IAM, qui pour moi ont été les
deux points culminants de la journée.
Tout d’abord
Youssoupha, qui se produisait à 16h. Un artiste qui ne m’est pas vraiment
familier, je devais connaître 2-3 sons au max (dont le superbe « Les
Disques de mon Père »), et bien ça ne m’a pas empêché de savourer cette
performance comme il se doit. Le « lyriciste bantu » comme il aime
s’appeler a livré un show tout simplement excellent, rythmé, et surtout n'a pas
lésiné sur le jeu artiste/public. Youssoupha est proche de la foule (il
finira dedans d’ailleurs), blague sans arrêt et diffuse sa bonne humeur de
manière contagieuse. Sous un soleil de plomb (Allelujah), Youss nous a fait
bouger dans tous les sens pour une Rhumba session carrément démente. Une très
bonne surprise.
Pour ce qui est
d’IAM, je dois dire que c’était un instant assez magique. Depuis le temps que
je voulais les voir … Dernier concert de la journée vers minuit, la pluie
s’intensifie, mais rien que de voir Kheops préparer ses platines m’immunise de
toute aigreur. Dans le peu de rap français que j’écoute, IAM
a toujours eu une place particulière. L’Ecole du Micro d’Argent
est un tel monument ... Cet album a tourné quand j'étais plus jeune, et je ne suis pas le seul dans le
public, alors pouvoir être aux
premières loges pour « La Saga », « Le Coté obscur » ou
encore une version hyper allongée de « Demain c ‘est loin » … Le pied intégral. Assez bizarrement, le groupe s'exprime en anglais entre les chansons, ne sachant pas trop à quel public il s'adresse au départ, mais après 20 minutes il était clair que le devant de la foule était peuplé de frenchies. Gros concert. Et
puis Shurik’n quoi, ce mec est incroyable. Comment ne pas péter un plomb quand
on entend les premières notes de « Samuraï » ? Pour la faire
courte, la pluie incessante et de plus en plus violente n’aura pas eu raison de
notre joie de voir les papis marseillais se faire plaisir comme des gamins sur
scène.
Conquis et
lessivés, c’est comme ça que s’achève cette deuxième journée frauenfeldienne.
On fera pas trop les fous ce soir, car demain le début de journée s’annonce
pour le moins excitant.
Day 3 : Fuck the Rain !
Dernier jour de l’Openair
Frauenfeld, et programme de fou furieux !
On commence dès
midi avec Isaiah Rashad, le nouveau prodige du label TDE. Forcément vu l’heure
on est peu nombreux, mais après les concerts « sold out » d’hier soir
c’est pas plus mal. Casquette sur la tête et langage corporel un poil
désinvolte, Isaiah se lâche au fil des tracks. Sa mixtape « Cilvia
Demo » est bien sûr à l’honneur, et certains titres prennent tout leur
sens dans ce contexte live, comme « R.I.P. Kevin Miller » et son
refrain envoûtant, je dirai même hypnotisant. Le peu de public présent partage la philosophie du jeune MC : « You live for bitches and blunts, we live for weed and
money ! ». Preuve supplémentaire de la reconnaissance des
spectateurs, c’est eux qui assureront le ravitaillement d’Isaiah en hydroponique
par deux fois durant le concert. A part ça « Soliloquy » gagne la
palme du morceau le plus populaire, et je fus un poil déçu par « Heavenly
Father », mais ça n’entachera en rien la performance. Au final, on se dit
qu’on a bien fait de se lever tôt, le rappeur originaire du Tennessee nous a
gratifié d’un bon show, même si j’ai été furtivement distrait par des jeunes
filles tatouées de partout, avec des bandanas rouges portés à la manière des
Bloods, posant en photo tout près de nous. J’espère pour la suite qu’elles
savent que Schoolboy Q est un ancien Crips …
Pas le temps de
chômer, un autre youngster du rap game US s’apprête à prendre le relais. Joey Bada$$ is in da place ! La
foule est déjà plus conséquente, et aux platines on retrouve Statik Selektah
qui nous ambiance bien le temps de la transition. Joey B. débarque sur l’intro
de sa dernière mixtape, Hortense est euphorique, et on se dit que ça va donner.
Contrat rempli. Le jeune rappeur de Flatbush a l’air rodé et jongle constamment
entre « 1999 » et « Summer Knights » : je pête un
plomb sur «Sweet Dreams », tout le monde est chaud pour « 95 Til’
Infinity ». Il est rapidement rejoint par un autre membre de Pro Era, Kirk
Knight. Après un hommage à Capital Steez (R.I.P.), on se remet dans le bain
avec un petit passage de « Hip Hop Hooray » de Naughty by Nature, qui
a totalement sa place ici tant le show sent bon les nineties. En regardant
autour de soi, on remarque aussi que Pro Era s’exporte bien, puisque qu’on
observera pas mal de produits dérivés du collectif new yorkais dans le public.
Coté musique on aura aussi droit à une exclu de l’album
« B.4.DA.$$ » et pour finir en beauté on savoure un petit
« Survival Tactics » qui ne fait également pas de mal : « Fuck
the Police » scande Joey, repris en chœur par la foule. On ne doutait pas
du talent de MC de la sensation new yorkaise, maintenant on sait aussi qu’il
maîtrise la scène. Il est 14h, le soleil pointe le bout de son nez, et le
niveau est en train de monter crescendo sur scène.
Pas de Underachievers
pour nous (si seulement les Flatbush Zombies avaient pu remplacer Danny Brown
…), on privilégie une bonne place pour le show suivant. Il est 16h, et le
« Man of the Year » himself, ScHoolboy Q, se prépare et laisse à son
DJ le soin de faire monter la température. Un Harlem Shake plus tard
(sérieux ?), Q débarque enfin pour ce qui sera un des grands moments du
festival à mes yeux. Avec sa cagoule orange et son légendaire bob sur la tête,
il va nous livrer plus d’une heure de show, passant en revue tous ses titres
phares : « There he go », « Yay Yay », « Collard
Greens », « Hands on the Wheel », « Studio » … Deux
albums seulement mais déjà tellement de tubes ! Coté ambiance la foule est
en symbiose totale avec l’artiste : ScHoolboy Q est vraiment au taquet,
motive la foule, fait preuve de pas mal d’humour et surtout n’a jamais baissé
en intensité tout le long du show. Voilà un artiste qui sait comment garder son
public réveillé, et qui a compris comment gérer son set parfaitement. Il finira
avec « Break the Bank », tout le public reprenant une dernière fois
en chœur le refrain. Schoolboy a bien fait le boulot, et c’est connu après
l’effort le réconfort, il se fera donc un petit plaisir en invitant deux
groupies à le rejoindre en loge. Respect.
Si le début de
journée était placé sous le signe de la jeunesse dorée du rap US, il est
temps à présent de rendre hommage à la vieille garde.
Immortal Technique
prend le mic à 17h sur la North Stage. On suivra ça de loin (l’appel du
poulet), mais on sera tout de même témoin des longues (interminables ?)
tirades du MC péruvien. Car oui c’est un fait, Felipe de son vrai nom est connu
pour ne pas avoir sa langue dans sa poche, il suffit d’écouter sa musique pour
s’en rendre compte. Là il se lance dans un dézingage en règle de la presse
féminine, déplorant l’influence que celle-ci peut avoir sur les jeunes filles,
notamment la sienne. D’autres speechs virulents interviendront régulièrement
entre les morceaux, avec des messages « anti-industrie » qui vont de
paire avec son style de rap. Personnellement j’aime bien ce coté ronchon et
« jamais content » du personnage, par contre ceux qui attendent Kid
Ink doivent être un peu paumés …
Si le soleil avait
jusque là repris ses droits, tout allait changer au moment de se rendre au set
de Mobb Deep. La foule est juste immense à ce moment là, on est compacté sur
place, pas moyen de bouger un orteil. Havoc et Prodigy déboulent et le public
devient fou. On commence cash avec « Survival of the Fittest », et là
c’est le drame : une pluie diluvienne s’abat sur nous, et ce qu’on ne
savait pas à ce moment là, c’est que ça allait durer jusqu’au lendemain matin.
Les spectateurs les moins couverts se sauvent en courant, et l’heure du choix a
sonné : soit on en profite pour se rapprocher de la scène, soit on file
vers la South Stage pour choper un bon spot pour Nas. J’aime bien Mobb Deep,
mais voilà Nas quoi… mes amis et deux italiens rencontrés auparavant seront ok
avec la deuxième solution, on écoutera "Shook Ones" de loin …
Le déluge ne
s’arrête pas, je sens l’eau rentrer dans mes bottes, et on commence à
s’impatienter. L'attente est longue, Diego et son pote italien balancent des "Fuck the rain" à tue-tête. Heureusement on est bien placé, assis sur les barrières un peu
plus loin de la scène, du coup on surplombe tout le monde, s’offrant une vue
impeccable pour le show. DJ Green Lantern lance l’intro d’Illmatic et Nasir
Jones arrive sur les premières notes de « NY State of Mind » (ou
plutôt Switzerland state of mind comme il le dit). La foule devient dingue. Pas de doute, on fête bien
les 20 ans d’Illmatic. Nas va tout simplement reprendre son album culte dans
son intégralité et dans l’ordre d’origine. Pas de temps mort, on enchaîne tous
les classiques, avec un petit hommage à Michael Jackson au moment de « It
ain’t hard to tell ». Y a pas à dire, Illmatic en live, c’est quand même
un kiffe ultime. Nas déroule ensuite son répertoire, je pète mon plomb habituel
sur « Made you look » et « Get Down », suivront « Hate
me now », « Got yourself a gun » ou encore l’inévitable
« One Mic ».
Un show carré au
final, Nas a fait le taff sans en rajouter ( il a aussi bien fait attention de
pas trop s’exposer hors de la scène pour éviter les trombes d'eau ). Pour l’avoir déjà
vu à Paris il y a un an, j’étais forcément un peu moins hystérique, mais voir
une telle légende en live reste un plaisir immense, surtout quand on est posé comme au cinéma.
Bref, le festival
se termine en beauté, nous on court immédiatement s’abriter sous un chapiteau.
La dernière nuit sera longue, Diego peut réellement danser jusqu’à pas d’heure,
ou plutôt si, jusqu’à 6h du mat’ en l’occurrence. "The party don't stop" comme on dit.
La pluie s’est enfin
arrêtée, et en rentrant sur le camping, on assiste à un désastre comme j’en
avais rarement vu. C’était plus un camping, c’était Bagdad.(d'après ce que j'ai compris les conditions météo n'avaient jamais été aussi catastrophique que cette année)
Voilà, l’Openair Frauenfeld c'est fini, et il est indéniable que ce festival représente une étape obligée
pour tout fan de hip hop qui se respecte. Frauenfeld, c'était Noël avant l'heure. Le temps aura été tout pourri mais la qualité globale des concerts a complètement effacé ce paramètre.
Pour ce qui est de l'ambiance générale, c'était plutôt bon enfant. Bien sûr on a croisé quelques "spécimens", et certains avaient l'air un peu paumé (le genre de gars qui te met de la techno à fond la caisse au camping), mais globalement l'amour de la musique est un élément fédérateur (c'est beau je sais).
Sinon on aura
aussi vu :
-
de la boue
-
beaucoup de GoPros
-
des pétards plus gros les uns que les autres (les suisses
déconnent pas)
-
de la boue
-
de la pluie
-
une tente proposant des « free hugs »
-
des prix déraisonnables
-
des gros alcoolos ! « quoi ya des concerts
ici ? »
-
un enfant avec sa mère (dans ce contexte de débauche c’était
marrant)
-
des personnes se souciant plus de leurs selfies que des
concerts
-
de la boue
Pour terminer, une chose est garantie : I'll be back next year !
Merci à Diego, Hortense et Luis pour les photos.
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